Aufführungsbesprechung Oberon, Paris: Théâtre Allemand, 1830

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Théatre Allemand.
Oberon, opéra en 3 actes, musique de Weber.

Les réprésentations allemandes touchent à leur terme: encore trois ou quatre soirées, et ces choristes à l’oreille si juste, à la voix si ferme et si hardie, seront montés en diligence et chemineront vers Aix-la-Chapelle, où déjà les baigneurs les attendent: madame Schroeder-Devrient aura pris la route de Dresde et Haitzinger celle de Carlsruhe. Espérons que cette seconde émigration leur laissera aussi bon souvenir que la première, et qu’ils prendront envie l’an prochain de nous rendre encore leur visite. Ils n’ont certes pas à se plaindre: la foule et les applaudissements ne leur ont pas manqué. Les Parisiens sont gens courtois et même enthousiastes pour tout ce qui vient de loin et s’en va promptement. Si les chanteurs allemands prnaient fantaisie de passer parmi nous seulement une année, nous leur dirions d’y regarder à deux fois et de se défier de notre constance. Mais une courte apparition de quelques semaines, accompagnée d’une absence de dix mois, c’est le moyen infaillible de rester bien en coar, et de retrouver chaque année même crédit, même accueil, mêmes honneurs.

Toutefois, si ö’on enrôle une troisième année, il faudra faire des recrues: les basses-tailles surtour ont besoin de renforts, et pour continuer de piquer bien vifement notre curiosité, le vrai moyen sera de nous faire passer en revue toute l’élite des théâtres de l’Allemagne. La mine est riche, dit-on: des sept ou huit capitales germaniques, il n’en est pas une qui ne se pique d’avoir à nous offrir un ou deux sujets aussi remqrquables que madame Schrœder-Devrient et qu’Haitzinger. Ainsi ce moyen de variété est loin d’être épuisé: il n’en est peutêtre pas de même de la variété du répertoire. Nos voisins ne sont pas très riches en fait de musique dramatique: on écrit chez eux beaucoup plus pour les instruments que pour la scène. Leurs théâtres lyriques vivent en général aux dépens de l’Italie, et bien plus encore à nodépens: ils nous empruntent, à nous quie nous trouvons si pauvres. Sur trois opéras qu’on monte en Allemagne, il n’y en a qu’un tout au plus dont la partition soit l’oeuvre d’un Auber ou Carafa. Or, s’il est piquant d’entendre une fois la Dame blanche exécutée en allemand comme l’année dernière, pareille expérience ne saurait être renouvelée souvent. Ce n’est pas à cette fin qu’on fait faire trois cents lieues à toute une peuplade de chanteurs. Ce qu’il nou faut, c’est de la musique allemande, aussi allemande que possible et nous ¦ insistons sur ce point, parceque ce franc germanisme musical est chose extrèmement rare.

Si vous passez à la nuit tombante dans une ville d’Allemagne, surtout dans une ville d’université, vous entendez par les rues et dans les promenades certains sons gutturaux, certaines mélodies brusques, saccadées, d’un rhythme bizarre et capricieux, que pluseurs voix d’étudiants, quelquefois même de simples ouvriers, lancet en l’air avec je ne sais quelle gaité mélancolique en formant entre elles une harmonie toute d’instinct et presque indéfinissalbe: c’es là, à proprement parle, la véritable musique allemande. Quand un peuple chante ainsi dans les rues, que peuvent faire de mieux ses faiseurs d’opéras que de transporter ses chants sur le théâtre? Certes le conseil est von; mais vous oubliez qu’en Allemagne il n’y a pas fort long-temps qu’on ose s’avouer Allemand. Qu’aurait dit le roi de Prusse, qu’aurait dit M. de Voltaire, si ces braves Germains s’étaient permis de faire du germanisme à la face de l’Europe? Qu’au milieu de la fumée de leurs pipes, autor de leur poëles de fonte ou dans les rues de leurs vieilles villes, ils s’amusassent à rêver creux et à chanter des ballades diaboliques et des rhythmes extravagants, rien de mieux: mais dès qu’on se montrait dans un salon, et à plus forte raison dès qu’on se hasardait sur le théâtre, on reniait toutes ces grossièretés barbares pour prendre le mot d’orde de l’Académie francaise: on affectait les belles manières, le parler parisien et la musique européenne.

[…]

Cette disparate ne pouvait durer: il faut que ce qui est commencé s’achève, et les révolutions finissent toujours par ne rien oublier derrière elles. La musique eut donc enfin son tour; voici de cà dix années environ. Un jeune homme, un membre de la Tugend-bund, malade, et à peine connu, qui n’avait jusque-là écrit que quelques petites sonates, de froides romances, et d’assez pauvres fragments d’opéra, Charles-Marie de Weber, tel fut l’homme qui s’en vint accomplir sur la scène lyrique cette espèce de rgéneration musicale. L’apparition du Freyschutz fut un véritable événement national comme celle de Goetz de Berlichingen. Ce ne furent pas seulement les Teutons des universités, c’est la nation tout entière qui crut trouver dans les accents de son nouveau chantre comme un écho de ses propres pensées. La voilà enfin mise au monde la musique germanique: c’es le chant des rues élevé à l’ideéal, à la poèsie, au dramatique. La passion pour cette nouveauté fut si forte, qu’on ne voulait plus entendre qu’elle: le répertoire bâtard fut délaissé, m’éprisé, conspué: le Freyschutz, partout le Freyschutz, toujours le Freyschutz, tel fut pendant plusieurs années le crit de toute l’Allemagne, et l’on peut dire que jamais peut-être piece du théâtre n’obtint un succès si passionné et si populaire.

Pour nous la prédilection de l’Allemagne est aussi la nôtre, et tout en admirant beaucoup les beautés diverses des autres opéras qui nous ont été représentés depouis duex mois, je dirais volontiers le Freyschutz, encore le Freyschutz. Sans doute on trouve dans cette partition bien des taches; le style en est souvent lourd et embarrassée; il y a des détails oiseux, des longueurs, et un défaut assez fréquent de ressources et d’habileté; mais elle respire son origine allemande, et tout ce que les fosier des Tyroliens, tout ce que la fantaisie des voix de Bohême ou de Bavière ont pu inventer de gracieux, de vif, d’imprévu, je le retrouve en abr´é dans ces délicueuses mélodies, tandis que cette harmonie mystérieuse fait apparaître à mes yuex tous les sorciers du nord, tous les familiers fantastiques de l’esprit des ténébres. Je ne puis dire tout ce que cette musique me fait rêver, tout ce qu’elle éveille en moi de sensations, tous les voyages imaginaires que je lui dois. Or d’ou lui vient ce charme, cette vertu souveraine? Du caractère si vivement national dont elle est empreinte, de son individualité toute germanique.

E bien! ce chef-d’æuvre est resté solitaire au milieu de l’arène: nul ne l’avait procédé, nul ne l’a suivi. Je ne parle pas des imitateurs obscurs, ils sont venus en foule: je parle des hommes de talent; aucun d’eux n’a tâché de faire un autre Freyschutz. Peut-être y avait-il à cela d’autres motifs que désespoir d’égale le modèle. Peu de temps après la grande fureur pour l’opéra de Weber, la manie de la nationalité et du moyen °age commenca à se refoidir en Allemgagne; les étudiants revinrent peu à peu à des idées moins fastueusement barbares. Alors un contre-coup dut nécessairement se faire sentir aux compositeurs d’opéras; ils furent pris d’une sorte de timidité et d’indécision, et se mirent à louvoyer prudemment entre le Freyschutz et Fidelio. C’est à ce systême intermédiaire qu’il faut rapporter plusieurs ouvrages estimables, et par exemple le Faust de M. Spohr, ou bien la Bibiana* d M. Pixis qu’on nous a donnés dernièrement. A coup sûr, dans ces partitions écrites d’ailleurs avec beaucoup de talent, il y a bien plus de germanisqme musical que dans tous les opéras de l’école antérieure à Weber; mais il n’y coule pas à pleins bords comme dans le Freyschutz.

Quant à Weber lui-même, s’il n’a pas continué et poussé lus avant le mouvement qu’il avait commencé, lat faute en est surtout à sa frèle santé et à l’épouisement de ses forces. On sait qu’après le succès de son Freyschutz, la maladie dont il était atteint fit subitement d’effrayants progrès. Sa tête était encore pleine d’inspirations; mais les efforts qu’il faisait pour écrire achevaient d’éteindre le peu de vie qu lui restait. Dans Euryanthe et dnas Preziosa, on retrouve encore par élans cette verve chaleureuse, cette originalité pittoresque, ces effets imprévus qui avaient fait la fortune de son chef-d’æuvre. Mais à tout moment on sent que la soufrfrance vient étouffer le génie, et aux idées les plus brillantes succèdent des développlements vagues, des lieux communs languissants.

Oberon, qu’il écrivit peu de temps avant sa mort, présente ce même mélange de beautés et d’imperfections. On y sent peut-être même davantage de douloureux efforts et une envie parfois hereuse, plus souvent impuissante, de faire du neuf et de l’inattendu. C’es un lourd fardeau qu’un chef-d’æuvre quand on est encore en âge de produire; l’impossibilité de s’égaler soi-même est peu-être encore plus humiliante que la nécessité de s’avouer vaincu par un autre; et quand un homme a le malheur de faire quelque chose de si beau que toute une nation soit saisie d’extase et qu’il ne conserve plus qu’une chance sur mille, non de grandir, mais de ne pas déchevir, ce qu’il faut souhaiter à cet homme, c’est qu’il meure promptement de mort subite; autrement, quele bien portant qu’il soit, vous pouvez être sûr qu’il va tomber malade. Le paure Weber n’aviat pas besoin de ce terrible assaut pour être arraché à la vie, peut-être seulement lui du-til un surcroît de souffrances

Et pourtant, s’ils n’était pas l’auteur du Freyschutz, son Oberon ferait sa gloire. Que d’idées fraîches et gracieuses, que de morceaux vigoureusement dessinés! Le premier chæur des génies pendant le sommeil d’Oberon est s’une finesse, d’une suavité ravissantes; et quoi de plus piquant que les final du premier acte? Ce chant de basse si simple répété à ¦ mezza voce par les chæur, pendant que Rezia, dans un à-parte, fait voltiger s voix d’une facon toute vapreuse, c’est à la fois une cominaison des plus simples et un effet délicieux. Ici, dis autant des jolies phrases qui bercent Huon dans sa nacelle, et de ce chæur des génies qui viennent à son secours; enfin dnas le troisème acte aussi plusieurs morceaux mériteraient d’être cités; mais, nous devons l’avouer, ces perles se trouvent clair semées, et il faut pour les attendre subir bien des développements sans intérêt, bien des airs qui n’ont d’autre charme que le travail précieux de l’orchestre et les tourment que l’auteur se donne pour tortreet contourner sa pensée dès u’il lui sent la moindre velleité de devenir commune.

Pour relever cette partition, pour donner aux beautés plus d’éclat, aux défauts moins de saillie, il faudrait une exécution vive et ardent; telle n’a pas été tout à fait celle de nos chanteurs; les chæurs cependant se sont montrés dignes d’eux-mêmes; mais Haitzinger ne tire pas un grand parti de son rôle, et madame Schrœder-Devrient, si elle a chanté certains morceaux avec plus d’agilité et d’aisance qu’à son ordinaire, s’est laissée aller dans d’autres à des élans de voix trop peu règlés. C’est décidement das Fidelio que cette cantatrice fait le mieux apprécier son talent remarquable.

Editorial

Summary

Aufführungsbesprechung des Oberon am Théâtre Allemand 1830

Creation

Tradition

  • Text Source: Le Globe, Journal Politique, Philosophique et Littéraire, Jg. 6, Nr. 103 (29. Mai 1830), pp. 411–412

    Commentary

    • “… , ou bien la Bibiana”Bibiana oder Die Kapelle im Walde, romantische Oper in 3 Akten (Libretto: Louis Lax, UA: Aachen, 13. Oktober 1829).

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